Prome nade 3   
 
 

 

 
 
 
 

Textes de
Marcelline Roux

Diane Régimbald
Gaël Mevel

Promenade musicale avec Bruno Maurice : accordéon

Estampe originale : Alain Gunst

A paraître en juin 2022

 

 
 
 
  Extraits des textes :  
     
 

La mémoire se déroberait-elle à mon oreille ? J’écoute mais sans lire ni partition ni composition. Je n’ai jamais été groupie, même jeune. Je chante faux, danse comme je peux, mieux après quelques verres. Côté musique quelque chose me résiste et je fais détour. Des impressions sonores m’ont pourtant changée mais elles ont dû aussi faire détour pour m’apprivoiser se dissimulant dans les voix des livres .

Je me souviens précisément de la voix de Si par une nuit d’hiver un voyageur.

Je devais avoir 15 ou 16 ans et j’ai été happée par une rupture de ton. Un narrateur ne racontait pas d’histoire, n’enclenchait pas le ronron du récit mais le rompait pour jouer avec le lecteur sur un horizon d’attente à jamais repoussée. Le titre ne disait rien de son énigme et le « si » enclenchait des possibles insoupçonnés en cassant les conventions. Ce saut dans le vide m’a d’autant plus troublée que l’auteur m’interpellait tout de go avec un «  Vous, lecteurs! », et même un « Vous, lectrices ! », refrain que je reprenais de bon coeur, pour avancer sur le vertige des mots.

Le texte ne semblait pouvoir tenir dans la durée et pourtant tenait. Onze fois le désir de suivre l’histoire était malmené. Onze débuts inachevés construisaient un labyrinthe dont la lectrice restait la principale prisonnière, pour son plus grand plaisir. Je pressentais, sans rien y comprendre, et ayant même cessé de vouloir comprendre, que j’étais en présence d’une sorte de livre des livres.

Marcelline Roux,

extrait de "Si par une nuit d'hiver..."

 
 
 
 

trop de bruits de voix
enterrent
trop de concordes
étouffent

 

tout s’assombrit
au fracas
des nuages éclatent
des grains de sable
tournoient chimères
jusqu’aux yeux

et les voix interpellent encore
l’averse broie la lumière
qui s’emporte au tumulte des eaux

 

je vois les chevaux noirs
du ciel hennir
m’arrachent du monde
pour entrer tempête
dans la tempête

 

 

Diane Régimbald

extrait de "Avant l’arc-en-ciel
tumulte de l’orage en tierce parade"

 
 
 
 

En allongeant mon bras, je pouvais toucher son ventre rond, avec mon fils à l'intérieur.
Un mouvement lent, du petit corps naissant, et de moi vers lui.
Je ne sais plus si je l'ai fait, assis dans mon fauteuil à coté d'elle, dans la salle de concert où nous étions.
Ses longs cheveux eux aussi allongés vers son ventre.
Je n'ai jamais compris la tendresse que provoquaient en moi ces cheveux.
Un vieux monsieur distingué conduisait l'orchestre, le jour de ses 73 ans.
Nous étions en hiver 1998, il dirigeait une de ses compositions.
Musicien, je m’étais jusqu'à ce jour penché sur le problème de l'improvisation, composant toutefois des pièces instinctivement, cherchant dans ce que je ne connaissais pas un chemin, pour continuer à ne pas connaître, juste effleurer, et peindre, repeindre jusqu'à l'ennui, mais sans ennui, par couches successives, une très lente permutation, une usure de la composition, un dénuement progressif, pour atteindre parfois une manière ou une mélodie que j'espérais simple et belle. En tout cas usée et épurée. J'avais pris le temps de cette usure. Assez de temps pour espérer.
L'orchestre et les chanteurs étaient devant nous.
Le concert a commencé et dès les premières mesures, la musique qui nous était offerte a saisi quelqu'un en moi.
Pas de dénuement, un foisonnement au contraire, multiple et extraordinaire.

 

Gaël Mevel

extrait de "Sinfonia"

 

 
 
 
 

Promenade

Bruno Maurice

extrait

 
 
 
 
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